Grand Genève Magazine • N° 5 / 2015
Marc Alpozzo : Votre ouvrage Blasphémateur ! Les Prisonsd’Allah, relate votre histoire, et précisément votre combat pour défendre vos idées athéistes contre une forme de dictature religieuse imposée dans votre pays, la Palestine. Vous êtes déclaré ennemi public numéro 1, puis arrêté pour outrage à la religion. Vous avez donc connu les cellules de la Palestine, étant le premier palestinien d’origine musulmane, incarcéréen Cisjordanie pour avoir rejeté l’islam, avant d’obtenir l’asile politique en France.
On peut donc dire que vous êtes aujourd’hui un homme libre. Pouvez-vous nous expliquer plus en détails ce parcours ?
Waleed Al-husseini : Je suis allé en prison car j’étais un bloggeur, et que j’ai osé écrire des articles en arabe qui questionnaient l’islam et ses positions. Ils ont été reçus comme des critiques sévères de l’Islam. Mais pour moi, qui suis athée, ils étaient légitimes.
Marc Alpozzo : Quelles étaient vos principales critiques ?
Waleed Al-husseini : Des sourates concernant
les femmes, certaines concernant Mahomet lui-même, les droits de l’homme, pas
seulement pour les femmes, ainsi que les arguments dits scientifiques qui
sous-tendent et justifient des croyances folles. Je ne conteste pas les
croyances. Je respecte les croyances des autres, mais par contre, je n’accepte
pas que l’on me les impose, et que l’on me condamne parce que je veux quitter l’islam.
Marc Alpozzo : Diriez-vous comme
certains le prétendent que le Coran est un livre plein de ressentiment, et d’appels
à combattre les non-musulmans ? J’entends certainesvoix s’élever pour dire que
c’est un livre totalitariste, un livre de guerre ?
Waleed Al-husseini : Oui, je le dis. C’est un livre plein d’ambiguïtés.
Il y a deux visages du Coran. Et dans l’histoire arabe, on trouved’ailleurs de
nombreux exemples, comme la révolution iranienne. Au début c’est une révolution
populaire, menée par le peuple, et au bout de quelques mois, le régime est
renversé violemment par le nouveau régime islamiste. Il y a les sourates
médinoises du Coran qui sont un appel au meurtre pour moi, alors que les
sourates dela Mecque en appelaient au dialogue et au débat. Mai sil est vrai
aussi que tous les musulmans ne sont pas terroristes. Ils ne sont pas nombreux
les terroristes, mais il se trouve des terroristes musulmans très radicalisés et
c’est un problème, car cela relève de l’islam, cela relève des fondements mêmes
de l’islam.
Marc Alpozzo : N’est-ce pas
plutôt un problème de lecture des textes, voire le besoin de dominer et de
prendre le pouvoir, légitimé de manière frauduleuse par une lecture partiale du
livre sacré ?
Waleed Al-husseini : Il est évident que les terroristes qui ont attaqué Charlie Hebdo, ceux qui ont emprisonné Raif Badawi en Arabie Saoudite, ceux qui m’ont emprisonné et torturé, sont les mêmes que tous ceux qui confisquent la liberté, combattent la libre-pensée, interdisent la liberté d’expression. Ils veulent briser nos stylos, plus percutants que leurs armes. Ils veulent soumettre l’humanité et ramener les hommes et les femmes à l’état de brebis dociles. Mais ce qui est moins dit, c’est que les extrémistes
puisent leur idéologie
dans certains passages du texte coranique qui véhiculent la haine et prônent
l’assassinat de
l’autre. Ils s’appuient sur une kyrielle de fatwas, elles-mêmes inspirées du
Coran ou présentées comme son interprétation. Ils disent appliquer les enseignements
des Oulémas.
Marc Alpozzo : Vous êtes clairement athée, et reconnu comme tel, par vos
textes et vos prises de position, et c’est d’ailleurs ce qui vous a valu les
problèmes que vous avez rencontrés avec l’Autorité palestinienne. Cette
autorité se déclare laïque, vous dîtes
néanmoins dans votre livre qu’il n’est pas possible d’être athée en Palestine. Pourquoi ?
Waleed Al-husseini : Il y a plusieurs raisons à cela. Pas seulement dans l’Islam, mais dans les pays arabes. D’abord pour le gouvernement le sécularisme n’est pas admis, et ils ne toléreront jamais la moindre opinion qui relève de l’athéisme.
Waleed Al-husseini : Il y a plusieurs raisons à cela. Pas seulement dans l’Islam, mais dans les pays arabes. D’abord pour le gouvernement le sécularisme n’est pas admis, et ils ne toléreront jamais la moindre opinion qui relève de l’athéisme.
Qu’une seule croyance
est acceptée : la croyance religieuse. Par ailleurs, leur intolérance est telle
qu’ils n’acceptent qu’une seule croyance musulmane : la croyance sunnite. La croyance
shiite est bannie de la même manière. J’en parle clairement dans mon livre.
Aussi, la société,
et là je ne parle pas du gouvernement, ne vous acceptera pas si vous êtes
différent. C’est d’ailleurs pourquoi la société est fragmentée en plusieurs
communautés, et que les juifs ou les chrétiens sont en grande partie rejetés.
Pour les athées, c’est la même chose. Il y a le même rejet général !
Marc Alpozzo : Mais justement dans votre livre, vous posez la question :
Marc Alpozzo : Mais justement dans votre livre, vous posez la question :
pourquoi
est-il interdit de ne pas croire aux textes sacrés ?
Waleed Al-husseini : Je suis né dans une famille musulmane. Mais ce n’est pas un choix. Puis, j’ai réfléchi à ma religion de naissance. Je l’ai questionnée. Je le raconte dans ce livre. Pour autant, lorsque vous êtes né dans une famille musulmane, vous n’avez pas le droit de questionner votre religion. Et si vous le faites, et que vous tentez de quitter l’islam, pour eux, vous êtes juste bon pour la peine de mort !
Marc Alpozzo : Vous connaissez le Coran par coeur. Cependant, lorsque vous êtes interrogé par les gros bras de l’autorité palestinienne, et que l’on vous questionne sur ce que vous avez écrit, vous réalisez que vous avez lu et compris le Coran, alors que ceux qui vous interrogent ne l’ont pas lu du tout. Ce qui vous fait dire que la foi et la croyance sont plus de l’ordre de l’aveuglement que de la raison.
Ne
serait-ce pas surtout un problème politique ?
Waleed Al-husseini : Oui, bien sûr, j’ai lu le Coran et je le connais pas coeur.
Et
dans mes textes j’ai questionné les différents islams (sunnite, chiite, salafiste,
sunni), leur histoire, leur légitimité, leurs effets sur les gens. Eux, ces
gens, n’ont pas cherché à argumenter ou contre-argumenter, ils m’ont tout
simplement répondu que je n’avais pas le droit de faire ça. Je suis d’accord
que cela à voir avec la politique, et principalement le conflit avec Israël. C’était
d’abord selon eux
un problème arabe, puis musulman, et
maintenant cela devient un problème islamique. Mais si
j’étais un jour tué, ici, à Paris, par un intégriste, dans un pays républicain et démocrate, je ne serais
pourtant pas
surpris. Pour ces
gens, toute critique du Coran doit être combattue et bannie, par la mort s’il
le faut ! Alors que tout devrait pouvoir être soumis à la critique ! Il est
donc important et urgent d’unifier nos discours à l’échelle internationale et d’unir
nos efforts pour assécher cette idéologie qui favorise la barbarie. Je crois qu’une
vraie réforme en profondeur de l’islam est nécessaire, car elle sauvera l’islam
d’abord, et elle épargnera à l’humanité tout entière les dérives haineuses de
cette idéologie.
Marc Alpozzo : Vous avez fondé le Conseil des Ex-Musulmans de France
Marc Alpozzo : Vous avez fondé le Conseil des Ex-Musulmans de France
(CEMF).
Pouvez-vous nous en dire plus, et expliquez brièvement ici ses objectifs, en
France et en Europe, puis pour le monde musulman ?
Waleed Al-husseini : Nous avons choisi cette dénomination pour dire aux sociétés européennes : il y a des personnes qui portent des noms arabes, il se peut qu’ils soient nés de pères musulmans, mais ils ont quitté l’islam. Il y a de plus en plus de musulmans qui veulent quitter l’islam. En même temps, il y a des gens sur le territoire français qui sont presque plus violents vis-à-vis de ce choix que dans mon propre pays. Nous énonçons de grands principes donc, afin que les musulmans athées ne soient plus pourchassés et persécutés dans leurs pays respectifs, et leurs pays d’adoption. Nous ne voulons plus que l’on ferme les yeux sur les versets coraniques qui incitent les
musulmans
à tuer. Nous voulons que cette violence soit mise au ban.
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