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Le collectif Femmes sans voile d’Aubervilliers


 

Le collectif Femmes sans voile d’Aubervilliers 

A l’occasion de la journée mondiale des femmes sans voile, le 10 Juillet dernier, le blog Démosthène 2012 a interviewé Nadia Ould-Kaci au nom du collectif « Femmes sans voile d’Aubervilliers », qui organisait un rassemblement place de la République et était soutenu par 28 associations. Ce collectif vise à lutter contre les pressions faites aux femmes pour le port du voile et à déconstruire le lien entre voile et islam. 

Agrippine : Pouvez-vous vous présenter ?

Nadia Ould-Kaci : Habitante à Aubervilliers, femme d’origine algérienne, je suis de nationalité française. Nous [les membres du collectif] vivons dans une ville où nous voyions que le port du voile augmentait, mais nous n’avons pas réagi jusqu’au jour on commençait à nous faire des remarques sur notre façon d’être habillée. Ils se sentent déjà un peu plus forts, ils sont plus nombreux, pensent qu’ils ont de l’influence sur la femme et commencent déjà à dicter leur loi dans l’espace public. Nous nous sommes dit que nous ne pouvions plus nous taire, que nous devions nous aussi nous exprimer. Les femmes voilées se sont exprimées, elles ont dit que c’était lié à la religion, qu’elles étaient libres. Nous ne le portons pas, même si nous sommes de la même culture, de la même religion, et nous avons d’autres arguments complètement à l’opposée. Nous avons commencé à nous exprimer parce que ça commençait à toucher les enfants. Les mineures commencent à venir voilées devant la porte du collège. J’ai eu un débat avec mes élèves pour expliquer que le voile est venu avant l’islam et j’ai quand même eu des réactions très violentes de mes élèves. L’élève, qui m’avait dit que pour mes propos je méritais la mort, est partie au Mali en Novembre 2014. Myriam, que j’ai connue depuis la 6e, sortait en 3e un discours qui ne lui appartenait pas, elle n’était pas comme ça, elle était rebelle, elle a complètement changé.

A. : Que se passe-t-il à Aubervilliers précisément ?

N. O.-K. : Pour nous, il y a davantage de personnes qui adhèrent à cette conception de la religion. A partir du moment où ils nous posent problèmes dans l’espace public, quand ils se permettent de faire des remarques – et pour certaines femmes, ils vont très loin, jusqu’à les insulter – il y a quelque chose qui ne va pas. Nous dénonçons l’attitude qui consiste à régenter la vie des femmes et des hommes de la communauté. Devant cette situation, nous avons l’impression – même si c’est une autre question – qu’on nous a lâché parce qu’on ne nous a pas considéré comme françaises. Le sexisme lié au voile est bien réel. Les hommes se baladent comme ils veulent dans l’espace public, ils l’occupent à n’importe quel moment, n’importe où, ils peuvent parler à haute voix et vivre l’espace public comme ils sont. Les femmes, non seulement doivent se voiler, mais doivent observer des comportements de pudeur, tout en disant être libres.


A. : Justement, cela peut sembler paradoxal, car certaines disent qu’il s’agit d’un choix, elles le défendent comme tel, comme une liberté.

N. O.-K. : Bien sûr, elles se défendent avec la liberté, elles utilisent la laïcité et disent que c’est leur choix. Si ces femmes convaincues, c’est leur problème. On peut être femme et rétrograde – ce sont généralement les femmes qui perpétuent les inégalités sur les femmes. Pour elles, c’est une liberté, pour nous, c’est un consentement à un système. Mais qu’elles ne disent pas que c’est ça l’islam. Parce qu’elles sont une minorité. Mais quand elles prennent la parole, elles disent « c’est ma relation à Dieu, donc je suis musulmane et tous ceux qui critiquent sont islamophobes », donc elles détiennent l’islam. Je suis musulmane, de culture musulmane, je ne le porte pas, je ne l’ai pas porté dans mon pays, j’ai grandi sans voile, je ne comprends pas pourquoi ça serait autrement en France, après 60 ans.


S. : Pourquoi, il y a 20 ou 30 ans, on ne voyait tous ces voiles, alors qu’aujourd’hui, des gens se permettent ce genre de comportement ?
N. O.-K. : Nous nous posons aussi cette question. Il y a d’abord tout le travail de l’islamisme dans le monde arabo-musulman. Ça a commencé avec l’avènement de l’Etat théocratique iranien : quand les islamistes ont pris le pouvoir leur première action a été de voiler les femmes et de rendre leur conception de la religion visible à travers le corps de la femme. Des Etats comme l’Arabie Saoudite ont toujours été dans cette mouvance. Dans le Maghreb, nous ne l’étions pas. Mais les Frères Musulmans ont pris en quelque sorte confiance et ont considéré qu’ils pouvaient davantage l’espace dans les Etats où ils étaient déjà actifs. C’est comme cela qu’on a vu l’islamisme se développer en Algérie, on le voit actuellement en Tunisie, au Maroc, en Libye, au Soudan. Dans tous les pays musulmans, l’investissement des islamistes a été réel. Tout un travail a été fait dans ces pays, mais l’Europe pensait être à l’abri de cette influence idéologique. Les enfants sont travaillés ici. En France, on n’a jamais posé le problème de l’islamisme, dans le sens d’une organisation contre laquelle il faut lutter. On a toujours posé le problème du terrorisme, alors que l’investissement idéologique va en s’agrandissant. De cette masse, ils choisissent les éléments aptes à agir …

A. : En effet, il y a des éléments prêts à se radicaliser jusqu’au bout, mais il s’agit d’une minorité, la plupart des gens de deviennent pas terroristes. La radicalité touche beaucoup plus de monde.

N. O.-K. : Il s’agit toujours d’une minorité, sauf que ce ne sont pas les éléments les plus importants. Ce n’est pas le terroriste qui fait un attentat qui est important. On peut comparer avec la drogue : vous avez le dealer, mais derrière, vous avez la banque. Ce sont des gens qui ont de l’argent, des moyens énormes. En Algérie, ils ont mené une guerre à un peuple. La population s’est armée contre les islamistes et il y a eu plus de 400.000 morts. 7 ans après, ils sont encore là.

S. : Que constatez-vous dans les autres villes de Seine-Saint-Denis ?
N. O.-K. : C’est la même typologie : les femmes se voilent, les jeunes choisissent cette voie. Et leur discours sur la femme est sexiste. On ne peut pas instaurer d’inégalité dans un Etat où l’égalité est fondamentale.

A. : Quelles sont selon vous les mesures souhaitables pour instaurer une forme de liberté individuelle là où elle a disparu ?
N. O.-K. : Nous nous battons. 90% des femmes musulmanes, d’origine musulmane, s’habillent normalement. Ce que nous n’acceptons pas, ce sont les théories qui disent que c’est cela la liberté d’expression, la liberté de religion, la laïcité, ces théories minoritaires qui parlent au nom de nous tous. Ils ont le droit d’exister en tant que minorité radicale, mais il faut expliquer que tous les autres musulmans n’en font pas partie. Nous dénonçons ce mélange alors qu’on ne se reconnait pas dans le port du voile. Nous sommes contre car il n’existe pas dans l’islam. Aucun verset du coran ne dit « cacher la tête ». La pudeur doit être la même pour l’homme et la femme.

A. : C’est le problème de parler au nom d’une communauté comme si tout le monde devait se comporter d’une manière uniforme.
N. O.-K. : Allez critiquer leur manière d’interpréter l’islam et vous êtes islamophobe, raciste. Leur religion n’est pas la religion de tout le monde. Ils ont fait le travail dans les pays du Maghreb, ils ont habillé toutes les femmes, ils sont venus en France et veulent nous habiller. On a laissé faire dans le monde et on est en train de laisser faire ici. Pourquoi l’Etat n’a-t-il pas expliqué que le voile, religieux ou pas, a un contenu sexiste ? On peut dire que le voile apporte une séparation des sexes dont l’un est infériorisé par rapport à l’autre (l’un peut se montrer, l’autre pas). L’Etat a interdit le voile intégral et le voile à l’école sans donner d’explications sur l’égalité. Il l’a considéré comme un signe ostentatoire. Et le néo-communautaristes, ceux qui défendent le groupe, considèrent que nous, les femmes musulmanes, cela fait partie de notre culture, de notre identité. Ils oublient que nous sommes d’abord des femmes libres, que nous nous sommes déjà battus là-bas pour l’égalité. Les femmes se sont dévoilées et les islamistes leur ont imposé le voile par la suite. En Algérie, le voile est porté par 90% des femmes. Il y a eu un mouvement de dévoilement soutenu par les religieux, dans les années 40. La Turquie, l’Egypte, c’était autre chose, regardez les films, ça vous donnera une idée. Je n’ai pas connu le voile à l’école. Le voile est venu dans les années 80. L’islamisme est dur à battre, il faut mettre beaucoup de moyens. Nous demandons à l’Etat de prendre position par rapport à l’égalité et aux musulmanes de déconstruire ce lien entre voile et islam. Et puis, nous posons le problème des mineures de 7/8 ans, qui sont en danger. Quand une fille de 8 ans se retrouve voilée, on ne devrait pas laisser faire.

S. : Si les parents ont décidé d’endoctriner leur enfant, c’est assez dur pour l’Etat d’avoir plus d’emprise que leurs parent. Il y a l’école mais ce n’est pas suffisant. Pensez-vous qu’il y a une chance que l’Etat accepte de faire voter une loi pour interdire le voile aux mineures ?
N. O.-K. : Il ne s’agit pas seulement de l’interdire. Il y a une loi pour interdire la burqa, des femmes le mettent et quelqu’un paye l’amende pour elles. L’interdiction, même si nous la demandons, n’est pas la solution s’il n’y a pas derrière un travail de fond. C’est à l’Etat de trouver les moyens. Nous-même, si nous ne portons pas le voile, sommes déjà menacées …

A. : Quelles est la position du Conseil Français du Culte Musulman sur cette situation ?
N. O.-K. : Le CFCM a fait une charte du vivre-ensemble dans laquelle il a confirmé que le voile était une prescription. Nous leur avons écrit une lettre et avons posé le problème aux députés.
S. : Qu’en est-il des imams d’Aubervilliers ? Que disent-ils sur le voile ? Condamnent-ils ces pressions ? Les encouragent-ils ?
N. O.-K. : Les imams restent dans les mosquées, nous n’avons pas de relation avec eux. Quand un homme religieux dit que le voile est obligatoire, il le rend sacré. On dit partout « le voile est musulman, c’est important ». Le travail est déjà fait. L’imam d’aujourd’hui ne fait qu’accompagner cette propagande. Nous n’entendons pas ceux qui sont contre, et ce alors que des théologiens ont dit que ce n’était pas religieux. Mais ils n’arrivent pas à influencer.
S. : Est-ce un débat qui doit surtout se faire au sein de l’islam ?
N. O.-K. : Non, cela nous concerne tous. Le voile ne dépend pas de la religion. C’est un problème d’égalité. Nous ne comprenons pas que l’Etat n’intervienne pas.
S. : Avez-vous eu des réponses de la part des pouvoirs publics ? Ont-ils peur ?
N. O.-K. : Non, ils ont du mal, mais ce n’est pas la peur. Ils ont des relations très importantes. Dans le monde actuel, tout l’Occident est plutôt en relation avec la partie la plus archaïque du monde arabo-musulman [pour des questions financières]. Il ne soutient pas toujours les démocrates sur le terrain. Les démocrates algériens n’étaient pas soutenus. On ne les a pas armés. En Libye, qui avons-nous aidé à la fin ? Les démocrates ne demandent que de la reconnaissance, et on ne les a pas reconnus. En Syrie, on a d’abord armé les islamistes, et on s’est rendu compte après qu’il y avait peut-être un problème. On a pensé renverser le pouvoir en les utilisant, mais hélas …
S. : Êtes-vous optimiste sur la situation à Aubervilliers ?
N. O.-K. : Je n’ai pas les moyens de faire des prédictions. Mais je me dis qu’il faut agir, s’exprimer, défendre ma personne, ma conception. Nous sommes surtout dans la logique de l’information. Il faut que les enfants voient des personnes sans voile. L’espoir viendra quand la pression des Français sera forte.

Commentaires

4 commentaires
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  1. avec tous mes vœux de réussite. Bravo !

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  2. Vous êtes très forte et courageuse. Votre combat est en effet crucial. je suis de tout coeur avec vous. Une musulmane non voilée.

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  3. Les femmes devraient méditer ce hadîth du Prophète :" Troupe de femmes , je vous ai toutes vues en ENFER" Alors porter ou non le voile, votre Prophète vous conduira en enfer ! Le Coran dit bien s. 5, v. 46 que c'est dans l'Evangile "qu'il y a guide et lumière." Pourquoi Mahomet interdit-il la conversion à la religion catholique ? sous peine de mort "celui qui quitte la religion islamique, tuez-le" Hadîth - Parce que l'Islam est inspiré par Lucifer, l'ange rebelle et déchu, celui qui veut se faire adorer à la place de jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme. Vous trouverez des arguements sur le blog : http://torah-injil-jesus.blog.co.uk Bonne lecture

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  4. Je suis de tout mon coeur de femme à vos côtés !

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