par Julien San Frax
Une certaine doxa politique, en France, voudrait qu’il y ait, d’un côté un bon Islam (modéré, pacifique, voire progressiste) et, d’un autre côté, tout à fait
indépendamment, cet Islam fondamentaliste (intolérant, rétrograde) qui, sous la bannière du Djihad, fomente le terrorisme et les guerres confessionnelles. Cette posture nie toute porosité, toute contamination de celui-ci vers celui-là.
indépendamment, cet Islam fondamentaliste (intolérant, rétrograde) qui, sous la bannière du Djihad, fomente le terrorisme et les guerres confessionnelles. Cette posture nie toute porosité, toute contamination de celui-ci vers celui-là.
Dix mois d’incarcération, d’humiliations et de tortures, un procès ourdi par un tribunal militaire, l’exil… Au-delà du récit poignant des avanies subies par Waleed Al-Husseini, ce jeune Palestinien photogénique à l’épaisse crinière noire qui, courage insigne, proclame son athéisme à la face du monde, « Blasphémateur – Les Prisons d’Allah » (c’est le titre) renvoie l’Islam à la réalité de ses préceptes, tels qu’enseignés par les imams, consolidés et contrôlés par les régimes qui se réclament d’Allah, de l’Iran à l’Arabie Saoudite, en passant par l’Irak ou… la Palestine.
Édifiant en effet, le cas de ce territoire généralement perçu en Occident comme le point nodal emblématique d’une oppression d’État, celle d’Israël, puissance occupante (ce qui n’est pas faux). Mais où, affirme cependant Waleed, bien placé pour le savoir, du fait même d’une Autorité palestinienne doublement corrompue par la prégnance du religieux et par la collusion des pouvoirs, il n’existe « aucune liberté individuelle, aucun respect de la liberté religieuse ou de la liberté d’expression ». Réchappé de ce cauchemar, et touchant d’ingénuité pour dire sa découverte de « la Ville-Lumière », de « la plus belle ville du monde », c’est d’une plume parfois sommaire mais toujours vive et poignante que l’auteur témoigne de son expérience et de son combat.
Réfugié en France depuis 2012 grâce au soutien de l’OFPRA, le blogueur de 26 ans, fondateur du Conseil des ex-musulmans de France, n’est pas seulement un militant de la laïcité : il est aussi, ce qui est plus rare, un héraut déclaré de l’athéisme. On sait que la vertueuse laïcité, chez nous, ne cesse de revendiquer le respect et la protection de toutes les religions et des pratiques qui leurs sont liées. En retour, ces religions, et singulièrement l’Islam, acceptent-elles qu’on dénie toute pertinence à ce qui est leur fondement même : la croyance en une vérité révélée ?
Affirmer que le Prophète n’existe pas, qu’Allah, à l’instar de toute réalité ou présence divine, relève de la pure construction humaine, voilà le présupposé qui sape la religion à sa racine même : la foi. Attester que le Coran est un texte de main d’homme, modifié, transformé, manipulé au fil des siècles, c’est, pour le musulman littéraliste (tous ne le sont pas), le péché fatal, la mécréance absolue. Prosélyte et conquérant, l’Islam, selon l’auteur, est essentiellement « un projet politique, social, culturel, économique et constitutionnel » (…) Ses fidèles veulent en faire l’unique alternative aux systèmes politiques existants ». Et de conclure : « Nos régimes sont des dictatures militaires dépourvues de légitimité. (…) Il faut les combattre, comme il faut combattre les illuminés qui veulent remplacer les dictatures militaires par des dictatures théologiques ».
L’Islam est-il soluble dans la démocratie libérale ? C’est la question qui se pose à l’espace démocratique occidental. « Les musulmans qui (au lieu de parler tout simplement de racisme envers les Arabes – racisme aussi indéniable qu’injustifiable) dénoncent l’islamophobie, développent eux-mêmes une haine viscérale envers tout ce qui n’est pas musulman : les sunnites l’utilisent contre les chiites, et inversement. Leur haine vise particulièrement les athées. » Face à ce fléau, « les hommes politiques (français) appliquent une laïcité sélective, au nom du « politiquement correct ».
La radicalité de l’auteur réside bien là, dans cette absence de pusillanimité face à ce qui ronge la laïcité de l’intérieur : le crédit laissé aux califes, aux oulémas, aux imams, à cette éternelle engeance des prêtres, quelles que soient les apparences de leurs bonnes intentions. L’anticléricalisme, en France et jusqu’à un certain point partout en Europe, a permis que se constitue de haute lutte un Etat de droit laïc, où certes l’on protège le croyant, mais aussi et surtout l’incroyant - lequel n’est jamais un blasphémateur ou un renégat que du seul point de vue du croyant…
La « croisade » de Waleed Al-Husseini a le mérite de rappeler à notre bon souvenir que la sécularisation de la société reste encore, jusqu’à preuve du contraire, la meilleure garantie de la liberté de mœurs qui prévaut encore en Occident. La pression, pour ne pas dire le chantage exercé par les prévôts des cultes et par leurs ouailles dévotes sur la liberté de conscience individuelle ne cesse de croître, au nom du respect dû aux religions et à ses affidés. N’est–il pas devenu urgent, par les temps qui courent, de respecter, préserver, et peut-être même encourager l’incroyance ?
Blasphémateur ! Les prisons d’Allah, par Waleed Al-Husseini. Grasset.
j'ai été bloqué sur TWITTER pour avoir dit exactement cela :
RépondreSupprimerje pense que parmi les modérateurs de ce twitter, il doit y avoir beaucoup de maghrébins.....