De l'islam chiite à l'athéisme, le témoignage touchant de Armin Navabi
Né en Iran, Armin
Navabi était tenaillé par une peur de l’enfer profondément ancrée dans sa foi
musulmane.
Je me souviens d’une chose que j’ai faite. J’ai pris
une allumette, je l’ai allumée, puis j’ai soufflé pour l’éteindre. Et je l’ai
appuyée sur mon bras, simplement pour sentir l’effet. C’était vraiment brûlant
et je me souviens d’avoir pensé « c’est trop douloureux ». Puis j’ai
pensé « imagine cette douleur sur ton corps entier, pour
l’éternité. »
Et je ne pouvais pas me figurer comment quiconque
pourrait supporter ça. Cette pensée m’obsédait, à tel point que je me souviens
d’avoir pleuré en imaginant aller en enfer, mes parents allant en enfer, et ma
tante est venue me demander pourquoi je pleurais ainsi. Et quand je lui ai dit,
elle m’a répondu « mais non, ne t’en fais pas, l’enfer… la grande majorité
des gens n’ira jamais pas en enfer, l’enfer est pour les pires des mauvaises
gens. » Et ça m’a calmé pour un temps, jusqu’à ce que j’aille à l’école.
C’était avant ma scolarité. Mais les enseignants, à l’école, quelques années plus
tard, nous ont dit qu’en fait la majeure partie des gens irait en enfer, et
même que la plupart des musulmans finirait en enfer. Si tu manques une prière,
un jour de jeûne, si tu doutes de Dieu, une seule fois, tu devras en payer le
prix.
Je savais que j’avais toujours une chance car je
n’étais pas encore un adulte, et ces choses n’étaient pas encore obligatoires
pour moi, mais je remarquais que mes parents ne priaient pas, que mes parents
ne faisaient pas le jeûne. Et j’ai posé la question à mes enseignants, à
l’école primaire : « Alors mon père, ma mère iront brûler en
enfer ? » Et la réponse était « oui, ils iront brûler en enfer ».
Enfant, Armin se
sentait personnellement responsable du salut de l’âme de ses parents.
J’ai discuté, demandé s’il existait un moyen… mais
mes parents ne m’écouteraient pas. Que faire ?
Et on m’a répondu que s’ils mourraient, je pourrais
faire les prières à leur place. Et je pourrais jeûner, hors du mois de ramadan,
pour compenser les jours de jeûne qu’ils ont manqués. Mais pendant que tu
rattrapes les actes manquants, ils brûleront en enfer, jusqu’à ce que tu aies
tout rattrapé. Et l’enseignant, je me souviens, a pris de quoi écrire et a
demandé l’âge de ma mère, de mon père. Admettons qu’ils meurent à telle date…
Et il a calculé le nombre de prières nécessaires pour leur éviter l’enfer. Et
nous avons tout deux conclu que jamais je ne pourrais rattraper cela. Je
devrais donc payer quelqu’un pour faire les prières à leur place afin qu’ils
sortent de l’enfer. Donc, bon, je dois devenir riche, gagner assez d’argent
pour payer des gens qui feraient les prières manquées et ainsi assurer que mes
parents ne resteraient pas en enfer.
Afin d’éviter l’enfer
pour lui-même, Armin opta pour une « solution » radicale.
En islam, on reste sans péché jusqu’à l’âge de
raison, c’est-à-dire 15 ans pour les garçons et 9 ans pour les filles selon
l’enseignement scolaire. J’ai appris plus tard que certains musulmans
comprennent cela autrement, utilisent d’autres âges ou estiment que c’est
simplement l’âge de raison, sans un âge chiffré spécifique. Mais sur base de ce
que j’ai appris à l’école, je pensais qu’avant l’âge de 15 ans, quoi que je
fasse ne comptait pas comme péché. Le suicide est un péché… mais pas si je le
commets avant l’âge de 15 ans. Je pensais donc que je me suicidais avant l’âge
de 15 ans, j’irais forcément au paradis. Je voulais en être sur et j’ai donc
posé la question à mes enseignants : « Pourquoi ne pas simplement me
suicider pour m’assurer d’éviter l’enfer ? » Et la seule raison qu’on
m’a donnée pour ne pas faire cela est que… les enfants, à leur mort, vont
certes au paradis, mais seulement au plus bas niveau du paradis. Il y a
plusieurs différents niveaux au paradis. Le plus haut niveau est pour les martyrs,
aux côtés de Mahomet, là où se trouve Mahomet. Mais si je meurs pendant
l’enfance, je vais au plus bas niveau de l’enfer. Ils disent que si tu gagnes
le paradis par de bonnes actions, alors tu vas à un niveau supérieur. Voilà
pourquoi je ne devais pas me suicider, parce que je pourrais obtenir un
meilleur endroit au paradis. Mais je me disais « qu’est-ce que ça
peut bien me fiche ? » Je veux simplement ne pas aller en enfer. Le
plus bas niveau du paradis me suffit. Pourquoi prendrais-je le risque ?
Pourquoi accepter ne serait-ce que la moindre chance de brûler en enfer pour
l’éternité, ou des milliers d’années ? Ils vous disent que même le plus
petit péché vous vaudra des années en enfer avant d’aller au paradis. Mais je
ne supporterais pas 10 minutes dans le feu. Alors des années dans le feu ?
Pas question !
Alors j’ai sauté de la fenêtre de mon écolé, à 12
ans, pour me tuer, pour m’assurer d’aller au paradis. Et j’ai échoué. Je me
souviens avoir vu mon père pleurer, pour la première fois, ma mère devenir folle
par terre, et… elle était dans une telle détresse… et mon père… ce que je leur
avais fait était si tragique… et je me sentais si coupable… que je n’ai plus
jamais essayé (de me tuer).
Armin s’est gravement
blessé en tentant de se suicider.
J’ai fracturé mes deux jambes, ma hanche gauche, mon
bras gauche et mon dos. Par chance, ma colonne vertébrale n’a pas été
sectionnée. J’ai passé environ 7 mois au lit et en fauteuil roulant. J’ai
manqué une année d’école
Armin a alors reçu un
accompagnement religieux et ses luttes contre la dépression ont encore augmenté
sa ferveur pour l’islam. Mais le problème de l’enfer demeurait.
Quand j’ai pris l’islam plus au sérieux et que j’ai
commencé à l’étudier… le problème… était que je restais tourmenté par la notion
de l’enfer. Et mes parents allaient quand même… je pensais pouvoir éviter
l’enfer, pour moi… Bon, dès que j’ai 15 ans, okay, c’est parti, je ne manque
plus une seule prière, plus un jour de jeûne… Mais mes parents ne pratiquaient
toujours pas l’islam. Ils étaient officiellement musulmans, mais ils ne
pratiquaient pas, et ils étaient donc destinés à l’enfer. Et je me souviens,
quand nous regardions la BBC ou des films de Hollywood… et je pensais sans
cesse… ce journaliste n’est pas musulman, il va brûler en enfer pour
l’éternité. Et cet acteur… tout le monde, ici en Iran, semble adorer ce type,
mais… Ont-ils donc oublié qu’il va brûler en enfer pour l’éternité ? Je me
disais, mais comment tous ces gens vont-ils brûler en enfer pour
l’éternité ?
J’ai alors décidé que j’allais étudier d’autres
religions. Peut-être sont-elles moins terribles. Peut-être sont-elles plus…
light ?
Je me suis dit, écoute : l’islam est prouvé par
la logique et la raison. Donc je ne devrais pas m’inquiéter… En examinant
l’islam à travers la logique et la raison car je finirai forcément par revenir
à cette conclusion. Mais plus j’ai observé, plus j’ai douté. Je me souviens
avoir prié Dieu… J’avais peur, je pleurais, je disais à Dieu : je descends
une pente qui me fait perdre foi en toi… Et si tu es là, quelque part, je t’en
prie, ne me punis pas, si je perds ma foi en toi… Je t’en prie donne-moi un
signe, n’importe quoi, n’importe quelle preuve, le plus petit miracle possible,
j’apprécierais. Si tu es là, parle-moi, dis quelque chose, fais quelque chose.
Je te perds… tu es tout ce que j’ai. Tu es mon seul ami, mon seul refuge.
Parle-moi, n’importe comment. Et… Rien.
Quand j’ai perdu ma foi en Dieu, j’ai décidé de
continuer de parler avec lui, car même s’il était imaginaire, il était tout ce
que j’avais. Mais… Je n’ai pas pu… quand j’ai réalisé que j’étais le créateur
de ce dieu à qui je parlais, comme s’il était mon créateur… La conversation est
devenue beaucoup moins pertinente et beaucoup moins gratifiante qu’auparavant.
Alors, mes échanges avec lui se sont espacés, jusqu’à cesser complètement, et…
Et depuis lors je me dis athéiste.
En 2012, Armin Navabi a
créé un site web pour les ex-musulmans et les autres athéistes. Son site et ses
pages des médias sociaux reçoivent environ 5 millions de visites par semaine.
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