Du Maghreb au Pakistan, en passant
par l’Arabie saoudite, les athées sont de plus en plus nombreux. Enquête sur
cet athéisme qui dérange et effraie le monde musulman.
Bahous aimerait bien ne plus
entendre parler de l’islam. Et même ne plus en parler du tout. Mais quoi qu’il
fasse, quoi qu’il dise, cet homme de 33 ans, vendeur à Voiron (Isère), y
est toujours ramené.
Son athéisme intrigue, ou dérange,
c’est selon. Lorsque l’on est issu, comme lui, d’une famille et d’une culture
musulmanes, le fait de ne pas croire en Dieu – et, surtout, de le dire – ouvre
la voie à une vie d’incompréhensions, de renoncements, de ruptures. « Je
subis un double regard, explique Bahous. Pour les gens, de par mon
apparence, mon nom, la couleur de ma peau, je suis de facto musulman. On ne
peut pas concevoir que je sois juste Français. Mais, pour ma famille, je
suis le vilain petit canard. Ils me considèrent comme un
“francisé” : être athée, c’est trahir ses origines, comme si être musulman
était une origine. Du coup, je me sens obligé de toujours me justifier, sur
tous les fronts. »
Bahous avait écrit au Monde
en février, en répondant à un appel à
témoignages sur les musulmans ayant perdu la
foi. Quand nous l’avons à nouveau sollicité, en novembre, rien n’avait changé
pour lui : il avait toujours le sentiment de vivre dans cet « étrange
entre-deux », où il se sent contraint de préciser sans cesse qu’il
n’est « ni islamophobe ni islamophile ».
Le comble pour un athée : « Après
les attentats, on m’a demandé de me désolidariser… » Sa famille, elle,
en particulier son frère aîné, n’a jamais accepté son renoncement à l’islam.
Depuis, les deux hommes ne se fréquentent plus. Bahous peut cependant s’estimer
chanceux : sa mère, auprès de laquelle il s’est ouvert de ses doutes sur
l’existence de Dieu dès l’adolescence, n’approuve pas ce choix mais le tolère.
« DANS CERTAINES FAMILLES, ANNONCER SON ATHÉISME PEUT ÊTRE ENCORE PLUS COMPLIQUÉ QU’ANNONCER SON HOMOSEXUALITÉ »
« Dans certaines familles,
annoncer son athéisme peut être encore plus compliqué qu’annoncer son
homosexualité », affirme le sociologue
Houssame Bentabet, qui travaille depuis 2014 sur une thèse consacrée au
reniement de la foi chez les musulmans de France. Un sujet jamais étudié de
manière systématique, et dont on sait finalement encore peu de chose, tant ces
athées savent se faire discrets, dans un contexte où, en France tout du moins,
le conflit entre « islamo-gauchistes », considérés comme trop tolérants
envers l’islam politique, et « islamophobes », accusés de
« faire la guerre aux musulmans », monopolise les débats.
Persécutions, agressions et assassinats
La discrétion s’impose encore
davantage dans les pays à majorité musulmane, où ce renoncement, s’il est
public, suscite des réactions beaucoup plus violentes : brimades,
persécutions, agressions, voire assassinats. L’athéisme n’y est tout simplement
pas concevable.
Même s’il n’existe pas, en arabe,
de mot spécifique pour dire l’athéisme (les termes utilisés – mulhid,
murtad ou kafir – évoquent davantage l’hérésie ou l’apostasie
et ont une connotation péjorative), l’athée est parfois vu comme plus
dangereux, encore, que le terroriste islamiste.
« Si vous êtes Libanais, vous
pouvez appartenir, dans la loi, à dix-huit communautés différentes. Si vous
êtes Egyptien, vous pouvez être musulman, chrétien ou juif, précise l’historien des religions Dominique Avon. Le
droit est appliqué à des groupes, et pas à des individus ; il est d’abord
communautaire. Or un athée n’entre dans aucune catégorie prévue dans le
droit musulman. Sinon celle de l’apostasie. »
« CE QUI EST NOUVEAU, CE SONT QUE DES JEUNES QUI NE SONT PAS FORCÉMENT PASSÉS PAR L’UNIVERSITÉ DÉCLARENT PUBLIQUEMENT, PAR LE BIAIS DES RÉSEAUX SOCIAUX, QU’ILS SONT ATHÉES »
Ce phénomène n’est pas nouveau dans
le monde islamique. « Il y a toujours eu des intellectuels, des
écrivains, des universitaires qui ont pu dire ponctuellement qu’ils ne
croyaient pas en Dieu », poursuit Dominique Avon. Ainsi, l’écrivain
égyptien Ismaïl Adham (1911-1940) fit scandale au début des années 1930 en
mettant en doute l’authenticité des hadiths (paroles attribuées au
prophète Mahomet) et en publiant Pourquoi je suis athée.
Citons aussi l’écrivain saoudien
Abdullah Al-Qasimi (1907-1996), qui nia l’existence de Dieu et survécut à deux
tentatives d’assassinat. Plus récemment, Salman Rushdie ou Taslima Nasreen ont
été persécutés à la suite de leurs écrits jugés blasphématoires. « Mais
ce qui est nouveau, poursuit l’historien, ce sont que des jeunes qui ne
sont pas forcément passés par l’université déclarent publiquement, par le biais
des réseaux sociaux, qu’ils sont athées. »
Avec l’avènement d’Internet, le
phénomène prend de plus en plus d’ampleur. Mais en rendant ainsi public leur
renoncement à l’islam, ces athées s’exposent à de grands risques.
Waleed
Al-Husseini avait 21 ans en 2010 lorsqu’il a été arrêté dans sa ville
natale de Qalqilya, en Cisjordanie. Son seul crime : se déclarer athée sur
son blog au lieu de garder ce secret pour lui. Un « affront à
l’encontre du sentiment religieux », selon un tribunal palestinien.
Après dix mois d’emprisonnement, pendant lesquels il raconte avoir été torturé,
il a finalement pu partir à Paris, où il a obtenu le statut de réfugié et où il
a fondé la branche française du Conseil des ex-musulmans, en 2013.
« Pas de faute plus grave »
Pourquoi se définir comme
« ex-musulman », alors que l’idée est précisément de
se démarquer de la religion ? « Une fois qu’on arrêtera de
vouloir me tuer, je pourrai cesser de me définir ainsi, explique Maryam
Namazie. Je ne veux plus rien avoir à faire avec l’islam. Mais, aujourd’hui,
force est de constater qu’il envahit encore ma vie. » Installée à
Londres depuis 1979, cette Iranienne dérange par sa verve et son discours sans
concession contre l’islam politique. En 2007, elle a eu l’idée de fédérer
ceux qui, comme elle, ont renoncé à l’islam, au sein d’une association, le
Conseil des ex-musulmans de Grande-Bretagne.
Depuis 2014, elle a organisé quatre
conférences à Londres sur la liberté de conscience et d’expression. La
dernière, les 22 et 23 juillet, était d’une ampleur inégalée :
quelque 70 participants venus de trente pays se sont retrouvés dans une
luxueuse salle de conférence de Covent Garden – un lieu tenu secret jusqu’au
dernier moment par peur des agressions.
Tour à tour, des athées du Maroc,
du Liban, de Turquie, de Jordanie, du Pakistan… ont raconté à la tribune leur
vécu fait de brimades, de persécutions et, souvent, d’exil, clamé leur absence
de foi, défendu la laïcité, débattu et blasphémé sans crainte de représailles. « C’était
le plus grand rassemblement d’ex-musulmans dans l’histoire », se
félicite Maryam Namazie.
Combien sont-ils, ces athées
condamnés à se cacher pour ne pas être persécutés ? Difficile d’établir un
chiffre. Mais, d’après un sondageinternational WIN/Gallup sur la religiosité et l’athéisme datant de 2012, 5 % des personnes interrogées en
Arabie saoudite se déclaraient athées. La même proportion… qu’aux
Etats-Unis ! Dans le monde arabe en général, 77 % des sondés se sont
dits « religieux », 18 % « non religieux »
et 2 % « athées », contre respectivement 84 %,
13 % et 2 % en Amérique latine, région majoritairement catholique.
« Les autorités égyptiennes,
elles, donnent des chiffres approchant de zéro ; mais si c’est le cas, on
se demande bien pourquoi l’athéisme effraye autant la plus haute autorité
religieuse du pays, l’université Al-Ahzar, dont un des oulémas a dit qu’il n’y
a pas de faute plus grave que d’être athée », souligne l’historien Dominique Avon.
« C’était asphyxiant »
Selon le Rapport sur la liberté de conscience publié par l’Union internationale humaniste et éthique,
une organisation fondée en 1952 à Amsterdam (Pays-Bas), l’athéisme,
considéré comme un blasphème, une offense à la religion ou un trouble à l’ordre
public, est pénalisé dans une trentaine de pays musulmans.
Dans quatorze d’entre eux, comme
l’Afghanistan, l’Iran, le Pakistan, le Qatar, l’Arabie saoudite ou encore le
Yémen, la peine encourue est la mort, même si la plupart des pays ont renoncé à
l’appliquer. Toutefois, la répression se poursuit. Un des cas les plus
médiatisés a été celui du blogueur
saoudien Raïf Badaoui, condamné en 2013 à mille coups de fouet et dix ans
de prison. Malgré une mobilisation
internationale demandant sa libération, il croupit toujours dans une cellule
pour avoir osé critiquer l’islam.
S’ils ne sont pas condamnés par les
autorités, les ex-musulmans le sont par leurs proches. Imad Iddine Habib peut
en témoigner. Ce Marocain de 27 ans, placé dans une école coranique
à l’âge de 5 ans, a su très vite qu’il ne croyait pas en Dieu : « Je
ne voulais plus aller à la mosquée ; c’était asphyxiant, je trouvais ça
stupide. Or, pendant sept ans, c’est tout ce qu’on m’a fait étudier : la
religion. A 13 ans, j’ai dit à ma famille que je ne croyais pas en Dieu.
Elle m’a renié et je suis parti. » Pendant des années, il a vécu à la
merci de « toute une économie qui, au Maroc, profite des enfants des
rues », raconte-t-il sobrement.
« MON PROPRE PÈRE, SOUTENU PAR DES AVOCATS ISLAMISTES, A PORTÉ PLAINTE CONTRE MOI QUAND J’AI CRÉÉ LE CONSEIL DES EX-MUSULMANS DU MAROC. ALORS, J’AI FUI »
Aujourd’hui, Imad est réfugié à
Londres. Il a participé à trois des quatre conférences organisées par Maryam
Namazie. Il évoque son parcours d’une voix douce ; de longues dreadlocks
entourent un visage poupon. Son histoire est pourtant aussi aride que le Sahara
occidental dont il est originaire : « Mon propre père, soutenu par
des avocats islamistes, a porté plainte contre moi quand j’ai créé le Conseil
des ex-musulmans du Maroc. Alors, j’ai fui. »
Blogs, forums et réseaux sociaux
Mohamed Alkhadra, un Jordanien de
25 ans qui, adolescent, se disait salafiste et rêvait de « rétablir
le califat », a, lui, décidé de cacher son athéisme à sa
famille. « Elle serait détruite si elle l’apprenait. Mais ils n’ont pas
accès à Internet, donc ils ne sauront pas », se rassure-t-il, alors
qu’il attend de prendre la parole à la conférence de Londres. Pour lui, comme
pour beaucoup d’autres, le changement est venu de la consultation du Web. « C’était
une révélation d’apprendre que je pouvais quitter l’islam. Je ne savais même
pas que c’était possible », s’amuse le Marocain Imad Iddine Habib.
« INTERNET A PERMIS DE METTRE LES ATHÉES DU MONDE MUSULMAN EN CONNEXION, DE LEUR FAIRE PRENDRE CONSCIENCE QU’ILS NE SONT PAS SEULS »
« Internet a permis de mettre
les athées du monde musulman en connexion, de leur faire prendre conscience
qu’ils ne sont pas seuls, qu’il ne s’agit pas forcément de blasphème que de
douter, de se poser des questions », considère
le sociologue Houssame Bentabet.
Blogs, forums, réseaux sociaux… Les
témoignages foisonnent, l’athéisme devient militant – et global. En
novembre 2015, le Conseil des ex-musulmans de Grande-Bretagne a lancé une
campagne sur Twitter avec le mot-clé #ExMuslimBecause (« ex-musulman parce
que »). En à peine vingt-quatre heures, 120 000 personnes
de 65 pays ont publiquement expliqué pourquoi elles avaient quitté
l’islam.
La réaction des autorités, mais
également des islamistes, ne s’est pas fait attendre. Certains prédicateurs
n’hésitent pas à appeler à tuer les apostats. Au Bangladesh, ils ont été
entendus : au moins six
blogueurs et un éditeur ont été assassinés depuis 2015 en raison de leur
athéisme. « Grâce à Internet, aux
réseaux sociaux, consultables sur les téléphones mobiles, il y a de plus en plus
de groupes de militants athées ou défendant la laïcité et la liberté de
conscience », assure l’éditeur Ahmedur Rashid Chowdhury, lui-même
brutalement attaqué en octobre 2015, et réfugié en Norvège, d’où il répond
au téléphone aux questions du Monde. Fondateur du magazine Shuddhashar,
il a édité de nombreux blogueurs athées.
Toujours dans la peur
Aucun pays à majorité musulmane
n’est épargné par le phénomène. En Turquie, pays pourtant autrefois laïc, la
situation s’est beaucoup dégradée depuis l’arrivée au pouvoir de Recep Tayyip
Erdogan, et en particulier depuis la tentative de coup d’Etat du
15 juillet 2016 : agressions contre des femmes à cause de leur tenue
vestimentaire ou contre des personnes ne respectant pas le ramadan, remaniement
des programmes scolaires pour y remplacer la théorie de l’évolution de Darwin
ou les principes d’Atatürk par des cours de
religion et le récit du putsch raté.
Même la Tunisie, qui fait pourtant
figure d’exception dans le monde musulman, est concernée. Des mouvements de
« dé-jeûneurs », qui refusent ostensiblement de respecter le ramadan,
s’y sont développés, ainsi qu’au Maroc et en Algérie. Mais toujours dans la
peur. « On a quand même du mal à dire qu’on est athée en Tunisie
aujourd’hui, regrette la réalisatrice Nadia El Fani. J’ai été considérée
comme terroriste simplement parce que dans mon film, Ni Allah ni maître,
je défendais la laïcité. »
Dénoncée par trois avocats proches du parti islamiste Ennahda, elle a été accusée en 2011 d’incitation à la haine de la religion et à… l’extrémisme religieux. Menacée de mort, elle s’est installée en France et n’a pu retourner en Tunisie pendant cinq ans, jusqu’au 4 novembre, à l’invitation des Journées cinématographiques de Carthage, pendant lesquelles son film Même pas mal a été projeté. Car, en juin, l’affaire a finalement été classée sans suite. « Les choses bougent », reconnaît-elle. Le 25 octobre, une organisation mentionnant explicitement l’athéisme dans ses statuts, l’Association des libres-penseurs, a été reconnue par les autorités tunisiennes. Une première dans le monde arabo-musulman.
Les auteurs de violences rarement inquiétés
D’autres signes témoignent d’un
changement en cours dans les sociétés musulmanes. « Au Maroc,
en 2016, six membres du Haut Conseil des oulémas, qui avaient pourtant
signé quatre ans plus tôt une fatwa dans le sens contraire, ont écrit qu’il
n’était plus possible, dans le contexte actuel, d’appliquer la peine de mort
aux apostats », souligne Dominique Avon. Cette évolution laisse
pourtant de marbre le Marocain Imad Iddine Habib : « Un peu facho,
ça reste toujours facho. »
Quoi qu’il en soit, les auteurs de
violences à l’encontre des ex-musulmans sont rarement inquiétés par les
autorités. Au Bangladesh, le gouvernement nie que des groupes islamistes
inspirés de l’étranger soient actifs dans le pays, et les enquêtes tardent à
aboutir, comme en témoigne Rafida Bonya Ahmed. En
février 2015, cette Bangladaise marchait dans les rues de Dacca, la
capitale, avec son mari, le blogueur Avijit Roy (édité par Ahmedur Rashid
Chowdhury), lorsqu’ils ont été agressés à coups de machette. Elle a été gravement blessée. Lui n’y a pas survécu.
Invitée à la conférence de Londres,
cette petite femme déterminée, qui garde des séquelles visibles de son
agression, raconte son calvaire d’une voix posée. « Dans certains cas,
il y a eu quelques arrestations, mais peu d’assassins ont été jugés, explique-t-elle.
En février 2016, les autorités ont dit avoir arrêté notre principal
agresseur, mais quelques mois plus tard, alors qu’il était censé être sous surveillance,
il a été tué dans une fusillade. » Depuis les Etats-Unis, Rafida Bonya
Ahmed vient en aide aux blogueurs et aux écrivains athées persécutés dans son
pays. « Après ce qui m’est arrivé, je pourrais être pessimiste et
pleine de haine, ajoute-t-elle. Mais je ne le suis pas. Il faut
continuer à nous battre pour les droits des athées. »
Exil en Europe
Selon les intérêts politiques du
moment, les autorités répriment les expressions d’athéisme ou, au contraire,
ferment les yeux et laissent faire, parfois sous la pression des pays
occidentaux. Pour Rafida Bonya Ahmed, il ne fait aucun doute que le
gouvernement bangladais veut s’assurer le vote des islamistes.
« C’est clairement
politique », abonde le sociologue Houssame
Bentabet. Comme le pardon accordé par le président égyptien, Abdel Fattah
Al-Sissi, alors qu’il effectuait une visite en Allemagne, au chroniqueur de
télévision Islam Behery, condamné à un an de prison à la demande de
l’université Al-Azhar parce qu’il critiquait certains textes de l’islam. Selon
Houssame Bentabet, « cette grâce avait pour but de laisser croire
que l’Egypte est du côté des libres-penseurs ». Et si l’Autorité
palestinienne a été si intraitable avec Waleed Al-Husseini, dont l’influence de
blogueur était pourtant négligeable, c’est certainement qu’elle se devait, à
l’époque, de contrer les islamistes du Hamas.
Alors, beaucoup choisissent l’exil.
En Europe, ils se retrouvent dans une situation qu’ils n’auraient jamais
imaginée en partant. Persécutés dans le monde arabo-musulman par les islamistes
et les autorités, ceux qui ont renoncé à l’islam sont, en Occident, classés
dans la catégorie des « islamophobes ».
Pour les ex-musulmans, dont les
positions ne sont pas monolithiques et qui sont traversés par les mêmes débats
que le reste de la société – sur le port du voile ou le burkini, par exemple –,
la critique de l’islam est aussi nécessaire que l’a été celle du catholicisme
au moment de la séparation de l’Eglise et de l’Etat en France, au début du XXe siècle. Mais les déclarations et prises de
position à l’emporte-pièce de certains n’aident pas à pacifier le débat.
« OUI, ON A LE DROIT DE HURLER QU’ON EST ATHÉE, DE TROUVER QUE LES RELIGIONS, TOUTES LES RELIGIONS, C’EST STUPIDE »
Lorsque l’écrivain indien Ibn
Warraq soutient que le problème n’est pas simplement l’intégrisme musulman,
mais l’islam lui-même, le discours choque. Mais, se défendent-ils, il faut être
radical pour critiquer l’islam. « Je dis : “Allons-y,
rentrons-leur dedans !” Oui, on a le droit de hurler qu’on est athée, de
trouver que les religions, toutes les religions, c’est stupide »,
s’enflamme la réalisatrice tunisienne Nadia El Fani, qui ajoute : « On
n’a jamais vu un athée tuer un religieux. »
Désenchantement face à l’« islamo-gauchisme »
Pris dans un discours anti-islam
souvent virulent, les ex-musulmans courent le risque de se faire récupérer. Ce
que ses détracteurs appellent l’« islamo-gauchisme » – incarné
dans le débat français actuel par le site Mediapart et son directeur,
Edwy Plenel –, en condamnant toute critique de l’islam, laisse ces athées,
souvent jeunes et sans grande expérience du militantisme, à la merci des
véritables islamophobes.
« L’ex-musulman a besoin de
confirmer son choix, en permanence, analyse
Houssame Bentabet. Il a ce besoin de cohabiter avec ce passé de musulman, de
dire : “C’est ce que je ne veux plus être.” Et, dans cette reconstruction,
il se peut qu’il y ait certaines récupérations, car il y a plus de chances
d’être récupéré quand on doit refaire sa vie à 22 ou 23 ans. »
C’est, très exactement, ce qu’a
vécu Waleed Al-Husseini à son arrivée en France, après avoir passé dix mois
dans les geôles palestiniennes. « Pour lui, cette torture, c’est
l’islam, souligne Houssame Bentabet. C’est l’islam qui l’a empêché
d’être libre dans sa pensée. »
Le jeune homme, qui ne mâche pas
ses mots, n’hésite donc pas à qualifier l’islam de « religion de
terreur ». Immédiatement relayé par le site islamophobe Riposte
laïque, Waleed Al-Husseini, qui a écrit dans Une trahison française (Ring,
300 pages, 18 euros) son désenchantement face à la frilosité d’une
certaine gauche vis-à-vis de l’islamisme, ne se défend pas de cette
proximité. « Ce sont les seuls à me soutenir ! », se
justifie-t-il, plein d’amertume.
« LES EX-MUSULMANS TIENNENT SUR L’ISLAM UN DISCOURS QUE D’AUTRES N’OSENT PAS TENIR PAR PEUR D’ÊTRE POLITIQUEMENT INCORRECTS. QUELLE HYPOCRISIE ! »
« Les ex-musulmans tiennent
sur l’islam un discours que d’autres n’osent pas tenir par peur d’être
politiquement incorrects. Quelle hypocrisie !, s’emporte l’écrivain indien Ibn Warraq, signataire, aux
côtés de l’essayiste française Caroline Fourest, de Maryam Namazie, de Taslima
Nasreen ou encore de Salman Rushdie, du « Manifeste des douze », un
appel à la lutte contre l’islamisme publié par Charlie Hebdo le 1er mars 2006. Les gens ont vite oublié ce qu’est
“être Charlie” : c’est avoir le droit de critiquer l’islam, et même de
s’en moquer. »
Récupération par l’extrême droite
Au cours de la conférence de
Londres, il n’y a pas eu de mots assez durs contre cette gauche qui, selon bien
des intervenants, laisse la critique de l’islam aux xénophobes, ce qui lui vaut
d’être perçue par certains comme lâche, voire traître et irresponsable.
Des victimes d’agressions ou de
tentatives d’assassinat de la part des islamistes ne comprennent pas d’être
assimilés à l’extrême droite. « Quelles sont vos
priorités ? Pendant que nous mourons, vous parlez
d’islamophobie ! », tempêtait alors à la tribune le jeune
Jordanien Mohamed Alkhadra, applaudi à tout rompre.
L’extrême droite, elle, ne
s’embarrasse pas de précautions. Le Turc Cemal Knudsen Yucel raconte comment,
après avoir fondé le Conseil des ex-musulmans de Norvège, où il réside depuis
2005, aucune personnalité politique ne l’a contacté. A part, bien sûr,
l’extrême droite, qui a su adapter son discours et n’attaque plus frontalement
les immigrés, mais s’en prend à l’islam – une stratégie également à
l’œuvre en France, au Front national.
Cemal n’y voit que du feu : « L’extrême
droite n’est plus raciste en Norvège, assure-t-il, plein de candeur. Même
le blogueur Fjordman, celui qui a inspiré Anders Behring Breivik [le
terroriste néonazi responsable des attentats à Oslo et sur l’île d’Utoya, qui
avaient fait 77 morts en juillet 2011], a changé. Il nous
soutient, nous, les immigrés, il ne peut donc pas être raciste ! »
Même discours chez Waleed Al-Husseini, qui nie partager les idées de l’extrême
droite. « Les racistes, de toute façon, n’aiment pas les Arabes comme
moi, dit-il. Si j’étais en Arabie saoudite, j’aurais une fatwa contre
moi. Ici, dans le monde moderne, on me traite juste d’islamophobe. »
« CRITIQUER L’ISLAM, EXIGER LA LAÏCITÉ COMME NOUS LE FAISONS, CE N’EST PAS ÊTRE ISLAMOPHOBE »
Si les plus jeunes se laissent
berner, leurs aînés ne cautionnent pas ces dangereux rapprochements. « On
ne peut pas se compromettre avec Riposte laïque, martèle Nadia
El Fani. Mais critiquer l’islam, exiger la laïcité comme nous le
faisons, ce n’est pas être islamophobe. En revanche, ne pas prendre en
considération la possibilité de la modernité dans les pays musulmans, ça, c’est
du vrai racisme antimusulman. »
La laïcité, celle dont jouissent la
plupart des pays occidentaux, voilà, au final, le seul combat de ces militants
pour l’instant inaudibles.
RépondreSupprimerWaleed Al-Huseini nous plonge dans une vérité effrayante qui fait froid dans le dos. Ce livre est très bien écrit, très instructif, il nous emmène dans une réalité dont certainement peu de gens ont connaissance. C'est intéressant d'avoir un diagnostic réaliste d'un ancien musulman torturé et emprisonné au non de "la religion", bravo, je recommande ce livre.
Une trahison française - Les collaborationnistes de l'islam radical devoilés
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