Athée dans l’islam: un tabou saute
Le nombre de blogs, forums et pages facebook consacrés à l’athéisme explose dans le monde musulman. Explications d’un pionnier, le blogueur palestinien Waleed al Husseini.
«Ma première question a été de savoir si Dieu me contrôlait ou non. L’islam dit que Dieu te contrôle, mais que tu peux agir librement. Comment est-ce possible? Quand j’ai posé cette question à l’école on m’a répondu qu’on ne peut pas tout savoir et que Dieu seul sait tout. Cette réponse ne m’a pas satisfait. J’ai continué à chercher, je me suis interrogé sur beaucoup d’autres sujets, jusqu’à ce que je devienne athée.»
Fils de coiffeur, le Palestinien Waleed al Husseini, 25 ans, a ouvert en 2007 son premier blog et sa page facebook dans lesquels il critique vertement la religion. Les premiers mois, il n’a eu que très peu de réactions. Mais progressivement, de plus en plus depersonnes ont approuvé ses positions.
Au sommet de sa popularité, il a compté près de 70'000 visiteurs par semaine. Les nombreuses heures passées dans le cybercafé de la ville cisjordanienne où il réside finissent par éveiller des soupçons. Arrêté, il passe dix mois dans les prisons palestiniennes. Il sera relâché sous la pression internationale. Les menaces persistantes à son encontre le décident à fuir la Palestine pour la Jordanie puis la France, où il arrive en avril 2011.
Pléthore sur Facebook
Aujourd’hui, les titres de pages Facebook en arabe consacrées à l’athéisme se bousculent: «Des athées et des non-religieux pour dénoncer l’islam», «Je suis athée, je suis libre», «J’atteste qu’il n’y a pas d’autre dieu que la raison»… Leurs auteurs opposent la raison à l’islam, dénoncent les actes violents de djihadistes et la situation des femmes. D’autres critiquent la vie du prophète Mahomet. Les caricatures sont nombreuses, les propos tranchés et souvent blasphématoires aux yeux des croyants musulmans.
Un Egyptien, auteur d’un blog intitulé «Combattant contre dieu et son messager», s’est filmé en train de déchirer des pages du Coran et de les jeter à la poubelle. Il prône également l’élimination des Frères musulmans.
Moins extrémistes, des sites rencontrent un succès grandissant en s’attaquant au ramadan. De nombreux jeunes ont posté des vidéos les montrant en train de manger durant ce mois de jeûne. Une rupture qui, faite en public, peut entraîner jusqu’à six mois de prison selon le Code pénal marocain.
Mouvance internationale
L’été dernier, Waleed al Husseini a fondé la branche française des ex-musulmans. Cette mouvance internationale a vu le jour en Allemagne en 2007. Aujourd’hui présents dans plusieurs pays d’Europe, y compris en Suisse depuis 2009, les ex-musulmans veulent briser le tabou autour de l’apostasie, lutter pour la liberté de critiquer la religion et faire entendre leur voix dans le débat public.
«Un musulman né en France et qui veut se déclarer athée ne le peut pas. Pourquoi? Parce qu’il a peur, non pas d’être tué ou arrêté, mais que sa famille coupe les ponts avec lui», constate Waleed al Husseini.
Le prochain congrès du mouvement traitera de la définition de l’islamophobie, un concept qui selon le jeune homme n’a qu’une seule fonction: celle de limiter la liberté d’expression. Ces attaques frontales de l’islam ouvrent la voie à une récupération facile par des partis nationalistes. Conscients de ce risque, les ex-musulmans ont dû se distancier à plusieurs reprises de mouvements d’extrême droite. I
L’apostasie
L’islam se considère comme l’ultime révélation de Dieu aux hommes. Quitter l’islam ne peut donc être compris que comme un retour en arrière. Le contexte guerrier des débuts de l’islam explique en partie la condamnation à mort de l’apostat. Quitter l’islam, le parti du prophète, signifiait alors rejoindre un camp adverse, devenir un traître et combattre les premiers musulmans. Un hadith, soit une parole rapportée du prophète Mahomet, affirme: «Quiconque change sa religion, tue-le.»
Peu de pays reprennent dans leur législation la condamnation à la peine capitale pour apostasie, si ce n’est notamment le Soudan et la Mauritanie. La majorité des autres pays arabo-musulmans reconnaissent la liberté de religion. Mais en cas de lacune du code pénal, c’est le droit musulman – la charia – qui est appliqué. C’est le cas de l’Iran, par exemple, qui a condamné à mort des apostats sur la base de la charia. Des lois antiblasphème sont parfois utilisées contre les athées. Waleed al Husseini a ainsi été emprisonné entre autres pour outrage à l’encontre des représentants des religions.
Il existe également des sanctions civiles: dissolution du mariage, perte de l’autorité parentale, du droit à l’héritage et de son emploi dans la fonction publique. Enfin, les athées restent toujours à la merci de fondamentalistes appliquant la charia.
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