Waleed Al-Husseini,
27 ans, est un auteur palestinien réfugié en France après avoir été
incarcéré et torturé en Cisjordanie pour avoir osé critiquer l’islam. Athée depuis qu’il a répudié la religion de ses pères - il est ce qu’on
appelle un apostat -, il a fondé en juillet 2013 le Conseil des
ex-musulmans de France. Que pense-t-il de la situation dans notre pays ?
Il vient de signer un brûlot féroce et dont le titre seul annonce la couleur quant à la thèse qu’il y défend : Une trahison française, « Les collaborationnistes de l’islam radical dévoilés » (éd.
Ring, 2017). Les autorités françaises, et à de multiples niveaux des
autorités diverses auraient, par lâcheté, ou pire par calcul, été
transigeantes avec l’islam radical et avec ceux qui le portent et le propagent. L’ouvrage fera du bruit, il en a déjà fait. Il ne manquera pas, et c’est sain, de provoquer encore et encore des réactions. Et des débats. C’est le propre d’une société démocratique.
Après lecture de cet ouvrage, j’ai souhaité poser quelques questions à Waleed Al-Husseini. Je le remercie d’avoir accepté de se prêter à l’exercice. Je remercie également Laura Magné, la directrice du service presse de Ring, dont l’intervention
a été déterminante, et le traducteur de Waleed Al-Husseini, pour son
travail remarquable et très rapide. Merci, également, à Fatiha Boudjahlat et à Jérôme Maucourant, pour leur concours et pour les articles qu’ils m’ont déjà apportés sur la laïcité. J’invite le lecteur intéressé à lire en complément, sur ce blog, l’interview que j’ai faite de Pascal Le Pautremat en août 2016, et les contributions récentes, également précieuses, des deux intervenants cités à l’instant. Une exclu Paroles d’Actu, par Nicolas Roche...
ENTRETIEN EXCLUSIF - PAROLES D’ACTU
Waleed Al-Husseini: « Ceux qui
chérissent la laïcité doivent se souder
autour de ses valeurs, et la défendre... »
Paroles d’Actu : Waleed
Al-Husseini bonjour, et merci d’avoir accepté de répondre à mes
questions. Dans le monde catholique, il y a un clergé qui est
hiérarchisé et organisé de façon pyramidale. Si à un niveau quelconque
de la pyramide un membre du clergé professe une lecture du dogme ou
exprime des opinions qui sont contraires aux vues de ses supérieurs,
ceux-ci pourront le révoquer et dire, "Non, ça n’est pas la bonne
lecture de la religion". Au sommet de la pyramide c’est le Pape qui dit
sa conception de la religion ; elle s’applique en cascade et fait
autorité partout.
Est-ce
qu’il ne manque pas, au moins dans l’islam sunnite, un système
d’autorités pyramidales, avec une autorité à sa tête qui clarifierait
les choses ? En attendant, "religion de paix" ou "religion de combat",
tout le monde dit et pense la sienne, et il y a autant de lectures de
l’islam que de croyants et observateurs. Il n’y a certes pas de clergé
dans l’islam sunnite, mais y’a-t-il des figures de savants, de sages qui
feraient autorité au sein de la communauté sunnite mondiale, et quelle
lecture ceux-là ont-ils de l’islam, de son rapport aux femmes et aux
autres religions notamment ?
des hiérarchies en islam
Waleed Al-Husseini : L’islam
se distingue en effet de la chrétienté notamment sur ce point. En
islam, il n’y a pas de clergé organisé, encore moins de hiérarchie.
Cette religion, particulièrement sa version sunnite, manque de
centralité. De ce fait, il s’agit de l’un des principaux problèmes de
l’islam dans l’affrontement de la vie moderne. Ces manquements mettent
systématiquement en échec les tentatives de dégager une vision
moderniste et réformiste et de conformer la religion aux valeurs
universelles. Ils annihilent également les moindres tentatives de donner
de l’islam une autre lecture qui dénote de la pensée la plus rétrograde
répandue au sein de la communauté. À l’inverse de l’islam dans sa
dimension religieuse et spirituelle, les organisations djihadistes et
celles relevant de l’islam politique sont bien hiérarchisées. Il
convient de noter aussi que, dans la confrontation que mènent
actuellement l’islam politique et les groupes djihadistes, ces derniers
fonctionnent davantage en réseaux nébuleux qu’en mouvements structurés.
« À travers l’histoire de l’islam, les réformistes
n’ont jamais trouvé un écho positif
dans les sociétés musulmanes »
Quant aux
autres écoles de l’islam, elles tentent de présenter d’autres lectures
du dogme. Mais il s’agit de tentatives individuelles. À travers
l’histoire de l’islam, les réformistes n’ont jamais trouvé un écho
positif dans les sociétés musulmanes, encore moins auprès des dirigeants
temporels et spirituels. De ce fait, aucune réforme n’a pu aboutir
depuis l’avènement de l’islam. Sa vision pour la femme et pour les
non-musulmans n’a pas changé d’un iota depuis 1400, car elle est
inspirée du Coran, considéré comme la Constitution de la Oumma. Or, le
Coran fait de la Femme une mineure éternelle et la soumet à l’Homme,
comme il divise le monde en deux catégories : les fidèles et les kouffars
(impies). Ceux parmi les musulmans qui considèrent la Femme égale à
l’Homme, et qui respectent les gens du Livre (les autres religions
monothéistes) sont minoritaires et sont persécutés par les radicaux.
Accusés de blasphèmes et qualifiés de renégats, ils sont tous simplement
persécutés, exclus de l’islam et emprisonnés. En résumé, les mouvements
terroristes et l’islam politique sont hiérarchisés par nécessité
organisationnelle et appliquent le Coran à la lettre, alors que l’islam
religieux manque de structuration.
PdA : Quelle
perception avez-vous du monde musulman en France ? Est-ce que, pris
comme un ensemble, les musulmans vivent leur foi différemment en France
par rapport à d’autres pays ? Comment, par exemple, les musulmans que
vous avez rencontrés dans notre pays perçoivent-ils votre statut
d’apostat, la promotion que vous en faites, et la notion de liberté
religieuse en général ?
les musulmans de France
Waleed Al-Husseini : Les
musulmans en France jouissent de beaucoup plus de liberté dans
l’exercice de leur foi que dans les pays musulmans. À titre d’exemple,
les chiites en Arabie saoudite et les sunnites en Iran n’ont pas le
droit de vivre pleinement leur religion. Les premiers sont persécutés
par les autorités wahhabites, et les seconds sont pourchassés par la
mollarchie iranienne. Il en est de même pour les pays sunnites du
Maghreb qui luttent jalousement contre la chiitisation… La France offre
la liberté religieuse à tous. Mais malheureusement, la communauté
musulmane en France n’est que la continuité des sociétés d’origine.
« Je ne comprends pas cette complai-
sance qu’on a, en France, avec ceux qui,
comme Hassan Iquioussen, répandent
les idées les plus radicales »
Dans leur
diversité (la communauté est essentiellement composée de Turcs,
d’Algériens, de Marocains, de Tunisiens et d’Afrique de l’ouest), les
musulmans de France ont importé les valeurs et les coutumes de leur pays
d’origine, dont certains les ont pourtant fuies. De ce fait, les
musulmans vivent dans des ghettos et persécutent les « renégats » en
singeant leur pays d’origine. Ils appellent à exécuter ceux qui quittent
l’islam, comme Hassan Iquioussen qui incite les musulmans à « tuer les ex-musulmans par 12 balles
». Or, Iquioussen, qui est membre de l’UOIF (Union des organisations
islamiques de France, ndlr) et a ses liens avec la sphère politique, n’a
jamais été inquiété pour incitation à la violence. Non seulement il n’a
pas été arrêté ou interrogé, mais il continue de fréquenter les hommes
politiques au nom de l’UOIF. Je ne comprends pas cette complaisance à
son égard et à l’égard de ses semblables qui répandent les idées les
plus radicales en France.
Concernant
ma définition de la liberté religieuse, je pense qu’elle doit se
limiter à l’exercice de la foi dans les lieux de culte, sans avoir une
quelconque influence sur la sphère politique, l’espace public et
l’éducation. La foi doit est un lien vertical entre chaque individu et
son Dieu, quel qu’il soit. Mais l’islam dépasse cette dimension et les
musulmans tentent de s’ingérer dans les affaires des autres pour
répandre leur religion. Ceci passe par la prédication, le prosélytisme
et les écoles islamiques qui prolifèrent dans le pays, souvent
clandestinement.
PdA : Quel
regard portez-vous sur les tentatives du pouvoir politique d’organiser
l’islam en France, ces quinze dernières années ? L’édifice CFCM (le
Conseil français du culte musulman, ndlr) est-il un début de solution
aux problématiques rencontrées, ou bien a-t-il d’ores et déjà été
noyauté par les intégristes ?
l’islam en France
« Les radicaux ne sont pas seulement ceux
qui portent les armes et commettent
des actes terroristes... »
Waleed Al-Husseini : Les
tentatives d’organiser l’islam en France sont vouées à l’échec, comme
je l’ai expliqué dans mon livre. Car les radicaux ont infiltré et
noyauté la communauté et toutes les associations et organisations qui en
sont issues. Autrement dit, ces associations qui prétendent représenter
l’islam sont radicales. Les radicaux ne sont pas seulement ceux qui
portent les armes et qui commettent les actes terroristes, mais sont
aussi radicaux tous ceux qui ne croient pas aux libertés, et qui veulent
imposer les valeurs obscurantistes de l’islam moyenâgeux. Et c’est ce
que les associations musulmanes font. À titre d’exemple, elles ont
combattu Charlie Hebdo devant les tribunaux avant que des terroristes ne
mettent à exécution la même pensée et ne déciment le journal. Donc, il
n’y a aucune différence entre les deux branches. Ils combattent la
liberté chacun à leur façon. Ils sont noyautés par les Frères musulmans
dont l’objectif est d’accélérer l’islamisation par l’éducation,
l’invasion culturelle et l’infiltration politique. Leurs moyens
diffèrent mais leur objectif est le même.
PdA : Existe-t-il
un islam des Lumières, et si oui quel est son poids auprès de ceux qui
pensent l’islam, et de ceux qui le pratiquent ?
un islam des Lumières ?
« Tout débat sur l’islam est étouffé par
les institutions : l’Arabie et l’institut Al-Azhar... »
Waleed Al-Husseini : Historiquement, l’islam est la première religion qui a connu sa révolution réformiste, avec les Mo’tazala. C’était sous l’empire abbasside. Depuis, aucun débat n’est parvenu à rivaliser avec celui proposé par les Mo’tazala.
Faut-il rappeler que l’islam est radical par ses textes fondateurs et
par le comportement de son fondateur et de ses compagnons ? Chaque
initiative de réforme se heurte à cette réalité. Les rares musulmans
éclairés qui ont eu le courage d’en débattre ont été marginalisés par
les institutions (l’Arabie et l’institut Al-Azhar…).
PdA : Est-ce
que vous décelez, en France comme ailleurs, dans nos sociétés
post-industrielles, matérialistes et souvent égoïstes, un malaise, un
terreau rendant irrépressibles une quête de sens, une "recherche de
transcendance" faisant de la religion et des "communautés" des refuges
naturels ?
l’islam, un refuge face au monde moderne ?
« L’islamisation est programmée
par ce qui est appelé "l’éveil islamique" »
Waleed Al-Husseini : Je
ne suis pas adepte de cette théorie concernant les musulmans de France
et d’Europe. Elle peut s’appliquer sur les autres religions mais pas à
l’islam. L’islamisation est programmée par ce qui est appelé « l’éveil
islamique », lancé dans les années 1980. Quand on a interrogé le
télécoraniste Al-Qaradaoui sur ce que l’éveil islamique a réalisé, il a
répondu avec fierté : « Regardez le nombre des femmes voilées dans les rues
». Il est vrai que l’individualisme en Occident et la dislocation des
valeurs sont un facteur aidant à l’expansion de l’islam, d’autant plus
que les marginaux qui ont du mal à s’intégrer dans leur propre société
rejoignent l’islam.
PdA : L’islam est-il oui ou non, d’après vous, compatible avec la République telle qu’on la conçoit en France ?
l’islam, compatible avec la République ?
« De nombreux prédicateurs placent
la Charia au-dessus de la Constitution »
Waleed Al-Husseini : Certainement
pas. L’islam n’est pas compatible avec la République et ses valeurs. Au
contraire, il défend un retour aux valeurs du VIIème siècle avec leurs
ségrégations religieuses, notamment contre les juifs, et sexistes à
l’égard de la Femme. D’aucune façon le rejet de l’homosexualité, de la
liberté sexuelle et de l’égalité ne peuvent se fondre dans celles de la
République. D’autant plus que les musulmans revendiquent la primauté de
leur appartenance à l’islam à leur nationalité. De nombreux
prédicateurs, et pas des moindres, placent la Charia (loi divine)
au-dessus de la Constitution (loi terrestre).
PdA : Diriez-vous
de l’élection d’Emmanuel Macron, et de la nomination à Matignon
d’Édouard Philippe, qu’elles vont plutôt dans le bon ou dans le mauvais
sens sur les questions relatives à la pratique de l’islam, au religieux
et aux communautarismes ? Je précise ma pensée, reprenant en cela des
éléments que m’a apportés Jérôme Maucourant
pour cette interview : pensez-vous que le président et que le premier
ministre, au vu des rapports qu’il a entretenus avec l’islam politique
au Havre, ont pris la pleine mesure du danger du communautarisme en
France ?
Macron, Édouard Philippe, et les communautarismes
Waleed Al-Husseini : Le
président Macron s’est entouré de plusieurs conseillers de confession
musulmane qui ne cachent pas leur attachement à leur pays d’origine. De
plus, il a lancé sa campagne électorale depuis l’Algérie où il a été
reçu comme un chef d’État et a visité le Musée du Martyr. Tout un
symbole. Depuis, les Algériens revendiquent une part de sa victoire, et
rappellent qu’il a été élu grâce au vote musulman, la communauté ayant
voté contre Marine Le Pen. De ce fait, il pourrait leur être redevable
d’une façon ou d’une autre.
« Je comprends que Macron veuille ratisser large...
je crains que cela ne se fasse au détriment
de la laïcité et des valeurs républicaines »
Quant au
Premier ministre, Édouard Philippe, sa nomination pourrait constituer le
point faible du pouvoir. Car il a des liens avérés avec les islamistes
de sa région. Il a également des liens avec le Maroc (jumelage). Je
comprends la manœuvre de Macron qui cherche à obtenir une majorité
parlementaire, et qu’il ratisse large. Mais je crains que ceci ne se
fasse au détriment de la laïcité et des valeurs républicaines, dans le
prolongement de la politique du dernier quinquennat.
PdA : Cette question m’a été inspirée par Fatiha Boudjahlat,
une enseignante très engagée sur les affaires de laïcité et de droits
des femmes. Vous vous êtes battu en Palestine et ailleurs. Vous vous
battez maintenant en France, pourquoi, sachant que beaucoup de Français
s’accommodent fort bien de la situation actuelle ? Je complète :
qu’est-ce qui vous anime, et quel est le sens de votre combat, mené
parfois au péril de votre vie ?
le sens d’un combat
« Je combats pour faire cesser les tueries
commises au nom de l’islam »
Waleed Al-Husseini : Je
puise ma force des victimes de l’islam qui sont tombées et qui tombent
tous les jours dans les pays musulmans et en Europe. Chaque victime me
renforce dans ma détermination à lutter contre ce cancer, à expliquer
ses dangers et à tenter d’y remédier. Je combats pour faire cesser les
tueries commises au nom de l’islam. J’essaie de trouver une sortie de ce
tunnel obscur. Je le fais au péril de ma vie, certes. Mais ma vie n’est
pas plus chère que celle de tous ceux qui ont péri pour la même cause.
Aussi, cesser le combat signifie la victoire des obscurantistes et je ne
suis pas prêt à leur offrir cette victoire. Après tout, chaque jour que
je vis est un bonus, car j’ai failli perdre la vie en 2010. Depuis, je
consacre mon temps et ma vie à la Liberté et aux valeurs de la
République.
PdA : Quel message souhaitez-vous adresser à nos lecteurs ?
Waleed Al-Husseini : Mon
appel est simple : il faut lutter contre ce fascisme islamiste, par
tous les moyens. Il ne faut pas mettre la tête dans le sable pour ne pas
voir le danger et dire que tout va bien, quand rien ne va. Au
contraire, il ne faut pas avoir peur de mener ce combat y compris contre
les collaborationnistes.
PdA : Un dernier mot ?
Waleed Al-Husseini : Pour
conclure, j’inviter les lecteurs à rester vigilants et s’armer de
courage. Les adeptes de la laïcité, de quelques origines et confessions
qu’ils soient, doivent se souder autour de ses valeurs et les défendre
pour sauver ce qui peut encore l’être.
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